M. Landowski nommé, hier, directeur de la Villa Médicis nous dit quelle sera à Rome sa règle de conduite
C’est à Boulogne, dans un pavillon fort simple, au bout d’un petit jardin, qui s’égoutte au crépuscule. Il y a là un homme heureux et ému, le statuaire Paul Landowski. Le sort a voulu que le matin même il apprit par nous sa nomination de directeur de l’Académie de France à Rome ; M ; de Monzie, ministre de l’Education nationale, venait d’en faire approuver le décret par le conseil des ministres.
La bataille des idées, le véritable héroïsme
Visitez, à l’Exposition des Arts Décoratifs, la petite salle où le sculpteur Landowski a fait tenir une grande œuvre : le temple du Héros. Son héros n’est pas un guerrier, qui tue et qui meurt. C’est un homme comme les autres. Il s’adosse au mur des légendes, comme pour signifier qu’il a renoncé pour toujours aux mythes délicieux qui enchantaient son enfance. Il est tourné vers ceux qui, mortels comme lui, ont, avant lui, peiné, souffert, espéré. (…) Déchiffrez, dans la maquette encore obscure, l’énigme des figures, des attributs et des occupations : vous y verrez les hommes au travail, fécondant le sol, construisant les villes, découvrant le monde et le soumettant aux lois de l’esprit. Tout, en cet ensemble sublime, célèbre l’effort et l’espoir. La mort même y paraît comme le ferment de la vie. (…) Et maintenant vous reconnaissez le Héros : c’est l’homme en face de la vie. (…) Il est en marche. Sa marche est lente et mesurée, résolue et invincible. Il y a des jours et des jours qu’il est sur la route sans fin. Il a dompté les monstres qu’il écrase du pied. Son regard clair, fixé sur le chemin, froidement mesure l’obstacle. Héritier de tout ce qui l’entoure, instruit de tout ce qui l’attend, il accepte le travail, la souffrance et la mort, pour que la vie continue…(…) Est-ce que le véritable héroïsme, dans un temps où tant de laideurs trouvait tant de lâches complaisances, ce ne serait pas tout simplement de rappeler les hommes au respect de l’humanité ?
(L’ère nouvelle est l’organe de l’Entente des gauches ; Emile Kahn en est un collaborateur. Il est par ailleurs membre du comité central de la Ligue des Droits de l’homme.)
A l’exposition des Arts décoratifs, 1925, extraits
Il est clair qu’un tel monument ne pouvait surgir qu’à l’apogée de notre civilisation (…). L’on perçoit ici (…) un émouvant mélange de modestie et d’espoir. Modestie en raison de l’écart plus vivement senti que jamais entre notre idéal et notre être. Modestie à cause de la conscience croissante de la solidarité des siècles (…) Modestie, parce si nous manquons à remplir notre fonction historique, nous savons que d’autres peuples, d’autres races, seront suscitées, en qui dorment des possibilité inconnues… Mais espoir, splendide espoir, espoir dans l’espèce humaine tout entière, dans tousles individus de l’espèce. Espoir et assurance de foi, que tout l’effort planétaire depuis les origines correspond à une nécessité majeure, et qu’il tend vers quelque sommet : soit à une palingénésie positive comme le veulent les millénaristes à la Comte ou à la Marx ; soit, comme le pensent les religions supérieures et plusieurs sagesses, à une réalisation transcendantale intéressant l’entière société des personnes sur le plan de l’absolu.
(Ecrivain et homme politique, député radical-socialiste, européen convaincu ; Landowski a réalisé son buste, conservé au musée des Beaux-arts de Lille. )
Le sculpteur Landowski a construit un Temple de la Pensée à l’Exposition des Arts Décoratifs
Au fond de l’esplanade des Invalides, derrière le mur de la cour des Métiers, un large vestibule conduit les visiteurs dans une salle toute simple et toute blanche. C’est, à la fin de l’Exposition des Arts Décoratifs, le Temple de la Pensée. On l’appelle la salle Landowski. – J’ai fait un beau rêve. Il se réalise peu à peu, très lentement. Car c’était aussi un rêve immense : il a rempli toute ma vie… Ainsi parle d’une voix douce, le sculpteur, M.Landowski. Il a le visage mince et pâle, des yeux clairs. Son sourire est doux comme sa voix. Et cet homme qui s’efface volontiers est en train de bâtir une œuvre de géant.
(Historien et critique d’art)
Pour l’inauguration du musée.
Entretien avec Madame Paul Landowski : (…) Paul Landowski était mélomane. Nous suivions les concerts et les festivals de Bayreuth. Nous avions pour amis Honegger, Gabriel Fauré, Ravel, mais lui-même n’a jamais été instrumentiste. Son violon d’Ingres était d’édrire ses pensées sur l’art – j’espère pouvoir bientôt les publier – et des pièces de théâtre.
Son ouvrage intitulé Peut-on enseigner les Beaux-Arts ?, paru en 1940, se termine ainsi : « La Tradition artistique d’un pays est une réalité… A travers es siècles, par une suite ininterrompue de chefs d’œuvre, que l’amour de la science et la passion de la nature, loin de nuire à la sensibilité, sont des sources inépuisables de renouvellement et de création ». Cette vérité explique toute l’œuvre de Landowski et son musée-jardin est destiné à devenir non seulement un lieu de souvenirs mais aussi un centre vivant où les jeunes peintres et sculpteurs pourront exposer.
Le maître m’invite à entrer dans son salon. Je lui demande s’il travaille toujours avec des modèles. – Oui, dit-il. Pour créer, il faut avoir sous les yeux la nature vivante, avec sa richesse et sa variété. (…) Les modèles sont, pour la plupart, des jeunes gens qui trouvent dans ce métier une ressource d’appoint. Quelques uns se débrouillent très bien, puisqu’ils arrivent à faire plusieurs séances à 500 ou 600 francs dans la même journée. Mais il ya du chômage : je souhaiterais qu’ils se constituassent en corporation, ce qui leur permettrait de bénéficier des lois sociales.
Rio de Janeiro, 10 octobre
De son yacht M. Marconi dévoilera la statue du Christ-Roi dans la baie de Rio.
Les journaux annoncent qu’un accord a été pris avec M. Marconi, pour que, de son yacht Elettra, il donne le signal du dévoilement de la statue du Christ-Roi qui sera inaugurée lundi prochain, anniversaire de la découverte de l’Amérique, sur le Mont Corcovado, qui domine la baie de Rio de Janeiro. Dans a nuit du 12 au 13, l’inventeur italien émettra une série d’ondes radiophoniques qui illumineront la gigantesque statue en allumant un grand projecteur. La hauteur totale du monument qui sera inauguré est de 38 mètres ; la statue du Christ a 30 mètres de haut ; la tête seule mesure 3 m. 75 ; la distance entre les deux mains est de 30 mètres ; la base du piédestal comprend 100 m². Le poids total du monument est de 1680 tonnes. Il est l’œuvre du sculpteur français Landowski et de l’architecte brésilien Silva Costa, et a coûté une somme équivalant à 18 millions de francs environ.
Sainte-Genevieve statue
As you begin to cross the new Pont de la Tournelle from the left bank of the Seine you no longer hear the taping sound of the sculptor’chisel. M. Landowski’s statue of Saint-Genevieve is completed and, swathed in this fabric, is waiting to be placed in the position prepared for it on the pedestal at the end of the parapet. This will be done on June 25, but the unveiling will not take place till July 9th. On that date the bridge will also be officially opened. Only pedestrians may as yet cross the bridge. Question of direction There still appears to be some doubt as to the direction in which the face of the statue of the saint will be turned; The weight of the opinion seems to favour the direction of Notre-Dame, and M. Landowski is said to share this view. On the other hand the saint’s historical significance is pleaded by those who would have her looking away from Paris, towards Bercy, and this standpoint has the support of the engineers and architects of the new bridge. It was, they say, south of Paris, approximatively between Auxerre and Orleans, that the hordes of Attila were massed when Sainte-Genevieve appeared among the Parisians and heartered them.
Dans quelques jours la statue de la Saint Geneviève, œuvre du sculpteur Landowski, surmontera le pylône du nouveau pont de la Tournelle
Une baraque en bois dont le toit cache une verrière, et dont le cube massif était adossé hier encore au pylône de pierre qui rompt la belle ligne horizontale du nouveau pont de la Tournelle : tel fut le rudimentaire atelier où, pendant deux ans, Landowski tailla dans un immense bloc de pierre de Château-Landon, l’effigie de la sainte Geneviève de Paris, qui dans quelques jours ornera l’arche, de ciment et de béton armé, reliant l’Ile Saint-Louis à la rive gauche.(…) Dans l’atelier de bois où régnait une chaleur de serre, le maître Landowski, vêtu comme un simple ouvrier – pantalon blanc et chemise molle – donnait les derniers coups de ciseau à son œuvre magistrale. L’effigie de pierre semblait surgir du sol, et monter droite, hiératique, jusqu’à toucher les vitres de la verrière, comme un arbre massif qui se dresse vers la lumière, comme une prière qui s’élance vers le ciel.
Ce grand artiste, cet illustre sculpteur, est un parisien de Paris ; il y est né, fils d’un médecin parisien et petit-fils par sa mère du célèbre violoniste et compositeur Henri Vieux-Temps. (…) Il a fondé, peu après la guerre, avec un groupe d’artistes et d’artisans, une Fonderie coopérative qui, depuis seize ans, s’est constamment développée et est devenue l’une des plus importantes et des meilleures de Paris. Nous sommes fiers de le compter parmi les membres de notre Société.